La Saison des Américains-Julliard

 
Titre original
  La Saison des Américains
 
 


© Julliard
 

 

Titre original

 

La Saison des Américains

Éditeur Julliard
Lieu d'édition Paris
Année de l'édition 1964
Année du copyright 1964 (Julliard)
Langue Français
Genre Roman
 
 
 
 
 

Présentation du livre par l'éditeur

La Normandie est parsemée de cimetières où reposent les soldats tombés lors du Débarquement. Gardien d'un de ces cimetières, un Américain, John Farrel, silencieux et mystérieux, vit enfermé en lui-même, entre ses souvenirs de New York, où il était journaliste, et les légendes hongroises racontées autrefois par sa mère. Son meilleur ami, Fred Murray, journaliste comme lui et dont il admirait le talent, gît là, et John ne peut se défendre de l'obsession que c'est lui qui aurait dû être tué à sa place.

John est, un jour, tiré de ses rêveries par un choc brutal. Américaine venue au moment de la "saison", Ann Brandt, qui était la maîtresse du mort et qui conserve pour le disparu une haine bien proche de l'amour, veut démonter, désintégrer l'amitié qui unissait les deux hommes. Fred nous apparaît alors sous un autre éclairage. Un médecin français suit de près l'évolution du gardien, qu'il a pris d'abord pour un simulateur, un faux-apôtre... Antiquaire à Caen, une jeune femme, tendre et blonde, s'attache de son côté avec passion à John Farrel. Elle voudrait faire échapper l'homme apparemment inaccessible à ce destin qu'il s'est lui-même forgé.

Ce roman est tout entier tourné vers l'intérieur. Chacun des personnages apparaît sous plusieurs aspects.

Où est donc la vérité de chaque être ? Tous, en définitive, sont ici absorbés par leur propre recherche, tendus vers l'aspiration suprême : la paix de l'âme.

 

Extrait du livre

Chapitre 1

Le docteur Laffont accompagna sa dernière cliente jusqu'au perron ; quand la porte se referma sur la frêle jeune femme qui venait de partir, il poussa un soupir de soulagement et, revenant à son cabinet médical, jeta machinalement un coup d'oeil dans la salle d'attente.
Désagréablement surpris, il y trouva un visiteur. L'inconnu, dont il pouvait à peine distinguer le visage dans la pénombre, se leva. Le Docteur entrevit sa silhouette élancée.
- Pourquoi vous a-t-on laissé dans l'obscurité ? demanda Laffont d'un ton de reproche.
Il tourna le commutateur ; le lustre rustique inonda d'une lumière jaune la pièce meublée d'une table et de quelques chaises bon marché. Sur la cheminée, une lionne en bronze, épuisée par les trois lionceaux accrochés à son flanc, s'étirait. Les clients avaient mutilé et éparpillé de vieilles revues jetées pêle-mêle sur un guéridon. Quelqu'un avait dessiné une moustache sous le nez d'une vedette ; celle-ci, monstrueuse, souriait chaque fois au Docteur. "Il faut que je déchire cette couverture, pensa-t-il ; les gens sont des brutes, de sales brutes."
- Merci, je n'avais pas besoin de lumière, dit le visiteur.
Après ces quelques secondes de silence, sa réponse semblait insolente. Voulait-il se défendre contre le décor peu engageant qui l'entourait ? Laffont constata, sans pouvoir en définir l'origine, que l'inconnu avait un accent. Et cet accent l'agaçait d'autant plus qu'apparemment l'autre parlait un français impeccable. Laffont se força à sourire.
Il est tard, mais je vous recevrai, dit-il.
- Si vous êtes pressé, Docteur, je pourrais vous demander rendez-vous pour un autre jour.
La voix de l'étranger était calme, presque indifférente. Entre eux, l'atmosphère devenait pénible. Laffont le dévisagea. Très mince, il paraissait grand. Il offrait un regard d'un bleu profond. Ses cheveux blonds grisonnants lui prêtaient un type nordique. Laffont s'écarta de la porte.
- Passez devant, je vous prie.
L'autre obéit, mais s'arrêta aussitôt dans le couloir sombre.
- Passez, passez, s'impatienta le docteur.
- Je préférerais vous suivre ; je ne connais pas le chemin.
Le docteur éprouva une antipathie violente. Il se méfiait de ses compatriotes, mais, avec une férocité voulue, il condamnait d'emblée tout ce qui était étranger. Et puis, l'inconnu ne valait pas la peine d'un effort - un homme de passage ne ferait jamais partie d'une clientèle fidèle - ; pourtant, Laffont ne pouvait pas lui refuser une consultation.
- Je n'ai pas pu venir au début de l'après-midi… Voulez-vous que je m'en aille ?
Sans répondre, d'un pas rapide, Laffont pénétra dans son cabinet, alla vers son bureau et alluma la lampe ancienne à abat-jour vert. L'inconnu le suivit et referma soigneusement la porte derrière lui. Laffont désigna d'un geste le fauteuil en face de son bureau.
- Prenez place, Monsieur.
- Vous ne voulez vraiment pas que je revienne un autre jour ?
Laffont était sûr que l'étranger aurait préféré se sauver.
- J'ai tout mon temps, répondit-il…
L'homme s'avança vers lui.
- Auriez-vous l'amabilité de tirer les rideaux ? demanda-t-il doucement.
Le malaise de Laffont s'accentua.
- Le rideau ? Pourquoi ?
- On pourrait nous voir.
- Nous voir ? dit le docteur agacé. Qui ?
L'autre fit un geste.
- Les passants, les curieux, le monde qui nous entoure. Chez moi, dès que le crépuscule arrive, je tire les rideaux, je m'enferme. Au milieu d'un paysage obscur, dans une pièce éclairée, on se sent comme sous une loupe ; les gestes s'amplifient, le silence s'accroît, ceux de l'extérieur vous examinent ; je préfère être un homme caché qu'un insecte livré aux curiosités des chercheurs.
Le docteur considérait ce plaisantin si peu gai ; il se méfiait. Lentement, en soulignant de chacun de ses mouvements qu'il n'était pas pressé, il se leva et s'approcha de la fenêtre. Une brume blanche enveloppait les arbres et les buissons ruisselants de pluie. Le mur opaque qui les entourait se transformait en un globe noir. Il tira le rideau.
- Voilà, dit-il en se retournant.
- Je m'excuse vraiment, dit l'autre, d'un ton poli.
Laffont reprit sa place devant son bureau et tira légèrement un des tiroirs du côté droit. Sans baisser le regard, en tâtonnant, il s'assura que son revolver était à sa place.

 

Extraits de presse

L'Aurore, 6 octobre 1964
"Non seulement elle (Christine Arnothy) pénètre admirablement la psychologie de ses personnages, aussi bien masculins que féminins (fait rare chez une romancière), mais elle réussit, avec un récit chargé d'âme, à ménager constamment, comme on dit aujourd'hui, le "suspense"."
 
France-Soir, 15 octobre 1964
"Un roman très romanesque, plein de rebondissements imprévus, avec quelques longueurs, mais rigoureux, équilibré et fort bien écrit."
 
Les Nouvelles littéraires, R.-M. Albérès, 22 octobre 1964
"Drame psychologique complexe, pittoresque, attachant."
 
Le Parisien libéré, Henri Petit, 27 octobre 1964
"Un grand roman, une oeuvre complète et accomplie, qui nous dévoile le coeur et le destin des cinq personnages, quatre vivants et un mort, qui vide à fond toutes les questions qu'il a posées sans nous rassurer, sans épuiser notre angoisse."
 
Le Figaro, Claudine Jardin, 28 octobre 1964
"Intrigue bâtie avec la rigueur d'un suspense policier et conduite d'une main forte et habile."
 
Le Monde, Alain Bosquet, 31 octobre 1964
"La Saison des Américains, le nouveau roman de Christine Arnothy, est une suite ininterrompue de péripéties mouvementées et d'audacieux plongeons dans la psychanalyse. (…) Romanesque à souhait, hors du temps et des modes, ce livre se lit avec facilité et plaisir."
 
Jours de France, 31 octobre 1964
"Christine Arnothy a beaucoup de faces à son talent. Et elle sait se renouveler, ce qui n'est pas le cas de toutes les romancières obstinées à dévider les mêmes histoires. (…) Christine Arnothy a le plus sûr des talents féminins de 1964."
 
La Croix, 6 novembre 1964
"Christine Arnothy brode habilement sur le thème de la solitude, de l'homme inconnu. Elle joue sur deux tableaux et on ne saurait lui refuser un talent persuasif."
 
La Voix du Nord, 10 novembre 1964
"L'histoire de John Farrel nous plonge dans un monde étrange qui semble être le domaine de Christine Arnothy, psychologue, conteur, éblouissante Shéhérazade du subconscient, venue d'un Orient où la fable, la vie et la poésie se confondent. (…) De la lecture de cette oeuvre riche, dense, aux résonances étranges et profondes, nous sortons grisés, hallucinés, envoûtés."
 
Le Figaro littéraire, Maurice Chapelan, 12 novembre 1964
"Ce récit est d'une grande richesse d'analyse et nous découvre lentement, à petits coups de gestes bien observés et de dialogues prestement et vigoureusement conduits, la complexité psychologique des quatre protagonistes, à la recherche de leurs raisons d'être au monde."
 
Paris-Presse L'Intransigeant, 14 novembre 1964
"Christine Arnothy chauffe les passions au rouge et joue le jeu sans se ménager."
 
L'Illustré, Lausanne, 24 décembre 1964
"Une oeuvre de valeur, attachante."
 
Femmes d'aujourd'hui, 28 janvier 1965
"Jamais Christine Arnothy n'a eu autant de talent."
 
Ouest-France, 2 février 1965
"Roman attachant et de grande classe."
 
Marie-France, mars 1965
"Voilà un sujet neuf, un ton convaincant, un passionnant roman psychologique qui se lit d'une seule traite."
© Christine Arnothy